23 000. C’est le nombre de bénévoles que nous étions pour ces jeux panaméricains, les PanAm, comme on dit ici. 23 000, c’est énorme et à la fois infime, puisque ça ne représente qu’à peine un pourcent de la population de Toronto. Pourtant, nous étions partout. Dans les rues, dans les street-cars, dans les parcs, dans les gares et les aéroports… Une armée de « minions » comme ils ont aimé se désigner eux-mêmes, en raison de la couleur flashy et non moins très flatteuse (NDLR : humour) de nos uniformes jaunes/oranges. Une armée prête à donner de son temps et de son énergie pour rendre sa ville et son pays fiers. Ce fut une incroyable aventure à laquelle j’ai eu la chance de prendre part et je me devais de la partager avec vous tous.
Participer à un événement de cette envergure a toujours été un rêve pour moi. J’ai toujours aimé le sport, comme j’ai toujours aimé l’événementiel. J’en ai même fait mon métier. Parfois de l’un, parfois de l’autre et ce n’est pas la première fois que je participe à l’organisation d’un événement culturel. Pourtant, chaque fois, c’est pour moi la même sensation de fierté de faire partie de l’équipe et les mêmes émotions qui me prennent aux tripes et au cœur. Alors, quand il s’agit du plus grand événement sportif jamais organisé par le Canada, pas besoin de préciser que moi et mon émotivité en avons pris plein la tronche ! Pendant les dix jours qu’a duré l’épreuve de Beach Volleyball et pendant les semaines de « training » et de fête qui ont précédé, je n’ai cessé de ressentir ce sentiment paradoxal de fierté d’être une ambassadrice privilégiée de la France à l’étranger, mais aussi de jalousie de ne pas être née canadienne. C’est-à-dire que « ces gens-là » ont le sens de l’accueil, du partage, du management d’équipe, de l’organisation, du « cheering » (des encouragements), et de la fierté nationale.
Ce fut fort en émotion et il m’en a fallu peu pour verser quelques larmes quand la cérémonie d’ouverture a commencé. Tellement grandiose ! J’en ai pris plein les yeux. Il a suffi de cette musique en fait (qui était la musique d’un des clips promotionnel des jeux et aussi la BO de « Mommy » de Xavier Dolan) :
Il faut dire que j’ai toujours eu quelque chose pour les musiques un peu tristes. Truc de fille. Ou truc de fille hypersensible. Ou truc tout court. Quand j’ai entendu les premières notes, toute seule au milieu de cette foule, dans l’immensité du Rogers Center plongé dans le noir, c’est un peu comme si on avait joué chaque note sur mes cordes sensibles (NDLR : jeu de mots, un peu). Bref. Dans ces moments-là, il y a quelque chose qui me prend aux glandes lacrymales en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Ludovico Einaudi (ou Bon Iver, ça marche aussi). Ça m’arrive tout le temps… et ceux qui me connaissent le savent bien. Ça m’arrive tout le temps. Dans les foules immenses des concerts, quand toutes les lumières deviennent bleues, que tous les visages s’éclairent, qu’on est 1 000 et que je me sens tellement seule à la fois. A ce moment-là on était bien 40 000, mais tout s’adressait directement à moi : sans aucun doute. A ce moment-là, il n’y avait plus personne devant et ça m’a rempli comme un grand seau de flotte. J’ai pleuré parce que j’étais émue et aussi un peu triste, de me dire que des gens que j’aime ou que j’aimais ne partageront jamais la beauté de cet instant. Parce que certains d’entre eux, ne savent même pas que c’est beau une chanson triste. Mais j’ai surtout pleuré parce que je trouvais ça beau. Beau et juste.
La culture, le sport, c’est ça pour moi. C’est beau et c’est juste. Ça va très vite, ça va très fort. Ça vous remplit et vous donne une énergie incroyable. Alors à 23 000, autant vous dire qu’on peut déplacer des montagnes.
Cet engouement, il fallait le vivre pour le croire. Croiser des gens dans la rue qui vous sourient sans arrêt, vous arrêtent pour vous remercier de ce que vous faites, vous posent des questions sur votre engagement, sur les PanAms, sur votre voyage, sur votre vie, sur tout en fait. Rencontrer tellement de gens prêts à cumuler deux journées de boulot, à bosser jusqu’à deux heures du matin, à prendre des congés pour ça, des gens prêts à dormir deux heures par nuit, prêts à faire 3h de route par jour pour se rendre sur les lieux des épreuves, pour parfois rester 12h debout, en plein soleil, à ratisser des tonnes de sable… Et pour la modique somme de rien du tout, évidemment. Il fallait le vivre pour croire en la gentillesse et en la bienveillance des gens qui m’ont entouré pendant ces dix jours. Je me fous que ça fasse hippie utopiste ou que ça fasse un peu cliché, mais moi ça me rebooste, ça me conforte dans mes choix de vie, dans mes valeurs, dans ma ligne de conduite. Ça me redonne foi en tout.
Je n’échangerais cette expérience pour rien au monde.
J’ai eu la chance d’avoir le meilleur job du monde, avouons-le. J’ai fait partie des heureux Team Host Crew Members, des bénévoles en charge des athlètes. J’ai pu être leur premier point de contact et les accompagner de l’entrainement à la compétition. Vivre avec et à travers eux les plus belles victoires et les plus grandes déceptions. En tant qu’ancienne sportive (à mon échelle), je l’ai vécu encore plus intensément, comprenant davantage les sacrifices pour en arriver là et la dose d’efforts qu’ils ont tous eu à fournir. Les anniversaires loupés, les vacances écourtées ou inexistantes, les choix difficiles : c’est le sport ou… tout le reste. En tant que sportive, j’ai mieux compris la pression, mieux compris chaque larme, chaque colère, chaque victoire, chaque déception. Je les ai vus suer, souffrir, gagner, pleurer et monter sur le podium avec des étoiles plein les yeux. J’ai été au premier rang, juste derrière eux, derrière le banc. Parfois presque une nounou pour les plus jeunes, parfois juste une présence invisible pour les plus aguerris. J’ai échangé des sourires, des conversations, en français, en anglais, en espagnol, des high five, des centaines de bouteilles d’eau fraîche et de serviettes pleines de sable, des WOOO et un paquet de VAMOS ! Je me suis fait des potes du monde entier. Je me suis sentie Mexicaine, Costa Ricaine, Uruguayenne et pas mal Canadienne.
J’ai vécu dix jours d’éclate totale entourée de la crème de la crème. En plein cagnard certes, mais avec ma petite équipe de bénévoles avec qui j’ai évidemment tissé des liens très forts. Dix jours à trimer et à répéter ensemble : « WE – ARE – AWESOME ! ». Mardi dernier, ça s’est fini dans une ambiance de fin de colo. On s’échangeait nos contacts et nos meilleures photos. Dimanche c’était la cérémonie de clôture et le début du coup de blues. Je n’oublierai jamais cette expérience incroyable et je suis infiniment reconnaissante que vous, mes très chers Canadiens m’ayez permis de participer aux 27èmes jeux panaméricains, permis d’être fière d’être Française et de me sentir aussi un peu Canadienne.
Il fallait le vivre pour le croire.
Pour découvrir les coulisses des PanAm Games et mon aventure en vidéo, c’est ici !
Très bel article qui donne la chair de poule. Merci pour cet émouvant partage.
Plein de grosses bises !